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Comme une envie d'écrire...
17 septembre 2015

Comme une envie d'écrire... sur le diabète gestationnel !

Si vous avez déjà été enceinte, vous avez peut-être connu le fameux test que l'on subit aux alentours du sixième mois, où l'on doit avaler de l'eau sucrée (50gr de glucose, appelé test de O'Sullivan), puis subir des prises de sang pour vérifier notre taux de sucre. Voire, si votre O'Sullivan est revenu mauvais, vous avez peut-être eu l'immense privilège de subir la gamme au-dessus, le HGPO (hyperglycémie provoquée per os) 100gr encore plus agressif. Ou alors, vous faites parti des femmes ayant été enceintes récemment, ou l'étant actuellement, et vous avez subi le HGPO 75gr, à mi-chemin entre le O'Sullivan et HGPO 100gr qui est censé devenir la norme de suivi en France.

Peut-être vous êtes-vous posé la question de l'utilité de ce test. Alors, votre gynéco, ou votre sage-femme, vous a gentiment expliqué qu'il sert à dépister les cas de diabète gestationnel, maladie qui peut causer des dégâts chez le foetus, notamment une macrosomie (bébé très gros) et des difficultés à l'accouchement.

Mais vous faites peut-être également parti des femmes qui ont très mal vécu ce test, que ce soit parce que vous avez fait un malaise, parce que vous avez passé deux heures à avoir des nausées tenaces que vous tentiez vainement de dissimuler dans la salle d'attente d'un labo surchargé, ou parce que pire, vous avez été tout vomir aux toilettes et avez passé le reste de la journée complètement à plat. Peut-être vous êtes-vous alors demandé si ce test était vraiment utile et, encore mieux, s'il était anodin pour vous et votre enfant. Aujourd'hui, j'aimerais vous apporter quelques éléments de réflexion.

Quels sont les tests de dépistage et qui les recommandent ? 
Le test nommé O'Sullivan est un test dont l'étude a été réalisée en 1964 à Boston, sur un échantillon de femmes à majorité Noires et issues des classes pauvres. L'échantillon n'étant pas le moins du monde représentatif de la population générale, la fiabilité de l'étude est fortement remise en cause. 

Du côté du CNGOF (Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français), les recommandations datent de 1996 et sont les suivantes : O'Sullivan en systématique (ou chez les femmes présentant au moins un facteur de risque) + HGPO 100gr en cas de positif.
Problème : il n'est pas nécessaire d'être à jeun pour pratiquer le O'Sullivan (s'agissant d'un test de dépistage du diabète, voilà qui prête à sourire)

Quelle est l'incidence du diabète gestationnel au juste ?
3 à 6% des grossesses sont concernées par le diabète gestationnel qui est le plus souvent asymptomatique.

L'HAS (Haute Autorité pour la Santé) recommande le HGPO pour le diagnostic (et non pour le dépistage !) et écarte les méthodes alternatives.
Les facteurs de risque (selon la HAS - 2005) :
- âge : entre 25 et 40 ans selon les études et les recommandations (CNGOF >35 ans)
- IMC avant grossesse entre 25 et 30
- Origine ethnique (les femmes caucasiennes sont à moindre risque)
- Antécédents familiaux (parent au 1er degré atteint de diabète de type 2 selon le CNGOF)
- Antécédents personnels : DG, mort foetale, macrosomie...

Pour info :
Seulement 10% des femmes n'ont pas de facteurs de risques ! Mais juqu'à 50% sont atteintes de DG en dehors de tout facteurs de risques... Le dépistage ciblé ne semble donc pas des plus approprié... Cependant, avec un dépistage systématique, le nombre de faux positifs s'accroît nettement.

La fiabilité du O'Sullivan est détestable : moins de 20% des femmes dépistées positives avec ce test sont de vrais positifs !

L'OMS préconise l'utilisation des seuils qui définissent une intolérance au glucose ou un diabète en dehors de la grossesse !! Faisant par là fi de l'insulino-résistance physiologique lors de la grossesse... (c'est-à-dire qu'il est normal qu'une femme enceinte ait une légère insulino-résistance, ceci étant dû aux hormones placentaires. Il n'est pas question de parler d'intolérance au glucose et encore moins de diabète !)

Les seuils retenus par l'ensemble des autres recommandations internationales varient, mais ils sont tous dérivés de l'étude initiale de O'Sullivan et Mahan (1964), fort critiquable sur le plan méthodologique, comme nous l'avons vu plus haut.

Macrosomie, qu'est-ce que c'est ? (source : HAS - 2005)
C'est 15 à 30% des grossesses avec diabète gestationnel
Se définit par un poids de naissance supérieur à 4kg ou 4,5kg ou une estimation pondérale échographique supérieure au 90è percentile pour l'âge gestationnel (quand on connaît la fiabilité desdites mesures, on se marre...)
4 à 11% des macrosomies sont compliquées d'une césarienne, dystocie des épaules, lésions du plexus brachial.
Moins de 10% des macrosomies seraient directement imputables au diabète gestationnel...
L'efficacité des traitements par insuline sur la réduction des taux de macrosomies et de ses complications n'est pas clairement démontrée. Cela dépendrait de la sévérité de l'hyperglycémie maternelle, mais aucun seuil précis ne peut être proposé actuellement.

La prise en charge diététique n'a pas fait individuellement la preuve de son efficacité.

Autres conséquences imputées potentiellement à tort au diabète (source : HAS - 2005) :
L'hypertension artérielle (HTA) gravidique et la pré-éclampsie sont plus fréquentes chez les femmes atteintes de diabète gestationnel. Il n'y a cependant pas de lien définitif de causalité, il s'agirait plutôt de facteurs de risques communs qui induiraient cette idée de lien : les effets de l'âge et de l'IMC ont probablement plus d'impact sur l'HTA gravidique que le niveau de glycémie maternel.

Aucune étude n'a permis d'évaluer l'efficacité de la prise en charge du diabète gestationnel pour réduire l'HTA gravidique et inversement...

En conclusion :
Il n'existe aucune preuve directe de l'efficacité d'un dépistage systématique ou ciblé du diabète gestationnel à partir de la 24è semaine de grossesse pour réduire la mortalité et morbidité périnatales.
En revanche, le taux de macrosomies et de ses complications croît avec le niveau de la glycémie maternelle, mais les seuils diagnostiques et les seuils d'intervention, ainsi que l'efficacité de la prise en charge restent discutés, notamment pour les "hyperglycémies modérées".
Par ailleurs, le diagnostic et la prise en charge du diabète gestationnel ne seraient pas dénués d'effets indésirables : anxiété, accroissement du nombre de consultations et d'examens complémentaires, accroissement des taux de césariennes même en l'absence de macrosomie foetale, accroissement du taux de déclenchement et du passage en réanimation néonatale des nouveaux-nés. (texte tiré d'un rapport de la HAS datant de 2005)

Certains professionnels de santé avancent l'idée selon laquelle le dépistage durant la grossesse permet de connaître la population à risque de développer un diabète de type 2 :
Le risque de diabète post diabète gestationnel est de 2% à 70% selon les populations d'études et leur durée de suivi ! Autant dire que l'incidence réelle est méconnue...
Le principal facteur prédicitif serait l'accroissement de la glycémie à jeun au cours de la grossesse, ainsi que l'IMC. Inutile donc de se gaver de sucre en un temps record pour vérifier ce qui semble être évident : le corps le supporte mal ! 

L'intérêt du dépistage et du diagnostic du DG par des tests de charge en glucose (O'Sullivan, HGPO 75 ou 100) pour la prévention du DNID à distance des grossesses n'est pas démontré.

Le risque d'obésité et de surcharge pondérale chez l'enfant n'est pas prouvé. Aucune étude correctement menée ne permet d'étayer cette hypothèse.

Conclusion :
Aucune recommandation de la HAS n'est possible pour le moment au sujet du dépistage du diabète gestationnel (le diagnostique, en revanche, se fait par HGPO 75gr). Le dépistage, qu'il soit ciblé ou systématique du DG étant par trop controversé. (HAS - 2005)

Petit aperçu des pratiques européennes (édifiant !) :
--> SIGN 2001 (Ecosse) : glycosurie à chaque consultation + glycémie à jeun à la 1ère visite et à la 28è semaine si glycosurie positive. HGPO 75gr le cas échéant. (bien différencier dépistage et diagnostic !)
--> OMS 1999 (mondial) : diagnostic systématique (donc en dehors de tout dépistage) : HGPO 75gr entre la 24è et la 28è semaine d'aménhorrée.
--> Alfediam 1996 (France) : dépistage, puis diagnostic systématique par le O'Sullivan (50gr), puis le HGPO 100gr le cas échéant. La glycosurie est toutefois réalisé tous les mois sur toutes les femmes... Quelle valeur de dépistage ? Quelle utilité...?
--> CNGOF 1996 (France) : dépistage pour diagnostic systématique par le O'Sullivan (50gr), puis le HGPO 100gr le cas échéant. Nouvelles recommandations de 2010 : diagnostic relativement systématique (soigant dépendant...) par le HGPO 75gr. Là encore, la glycosurie réalisée chaque mois par l'ensemble des femmes enceintes : utilité, valeur dépistage...?
--> PNCG 1996 (Royaume-Uni) : idem que l'Ecosse...

Qu'en disent les gynécologues de France ? (CNGOF - mises à jour des recommandations de 1996 - décembre 2010)
Le CNGOF recommande le dépistage systématique des femmes présentant au moins un des facteurs de risque suivants :
Âge supérieur ou égal à 35 ans
IMC supérieure ou égale à 25
Antécédent de diabète chez les apparentés au 1er degré
Antécédent personnel de diabète ou d'enfant macrosome.

Le CNGOF n'a pas d'argument en faveur du dépistage systématique pour les populations se trouvant en dehors de ces facteurs de risque (prennent-ils en compte les recommandations de la HAS...?)

Quid des risques ? (CNGOF - décembre 2010)
La fréquence rapportée de l'hypoglycémie néonatale sévère en cas de DG est faible.
Le risque hypercalcémique est équivalent à la population générale.
Le risque de jaunisse sévère est faiblement augmenté.

Diabètes pré-existants :
Il est évident que lorsqu'une femme diabétique tombe enceinte, la surveillance de la grossesse sera un peu différente. Il existe toutefois deux types de diabètes bien distincts. Le diabète de type 1 - insulino-dépendant - qui apparaît généralement dans l'enfance ou l'adolescence (incidence maximale avant 30 ans). Le diabète de type 2 - non-insulino dépendant - qui apparaît plutôt chez les personnes âgées de plus de 50 ans. Le diabète gestationnel obéit au même principe que le diabète de type 2. C'est-à-dire que ce n'est pas le pancréas qui ne sécrète pas d'insuline, mais les cellules qui y sont moins réceptives.

Il y a 30% de DT2 (diabète de type 2) méconnus dans la population générale. Environ 15% des DG sont des DT2 méconnus (autrement dit, il ne s'agit pas de diabète gestationnel mais de diabète de type 2 non détecté avant la grossesse). La recherche d'un DT2 est alors justifiée en présence des facteurs de risques précédemment définis. Ce dépistage sera réalisé par une glycémie à jeun. Inutile donc d'avaler une haute dose de sucre !
Chez les femmes ayant des facteurs de risque et qui n'ont pas eu de dépistage DG, celui-ci peut être fait au 3è trimestre, au minimum par une glycémie à jeun (à nouveau, il n'est pas nécessaire d'avaler une forte dose de sucre !).

Le CNGOF, comme la HAS, ne recommande pas les autres méthodes de dépistages (glycosurie - pourtant réalisée chez toutes les femmes enceintes et ce mensuellement ! -, post-prandiale, glycémie au hasard, etc...).

Le choix des seuils glycémiques pour définir le diabète gestationnel est arbitraire !!

Traitements et surveillance :
Il arrive que le diabète gestationnel soit soigné par antidiabétiques oraux. Attention !! Ils n'ont pas d'autorisation de mise sur le marché (AMM) pour l'obstétrique !!

La radiopelvimétrie n'a pas lieu d'être réalisée en cas de suspicion de disproportion foetopelvienne en raison de sa mauvaise valeur diagnostique (ce qui contredit les recommandations de 1996, époque où les radiopelvimétries étaient très fréquemment faites). En cas de DG et d'antécédent de césarienne, il n'est pas recommandé de pratiquer une césarienne programmée.

La surveillance systématique de la glycémie n'est pas indiquée chez les enfants de mère DG traitée par un régime seul et dont le poids de naissance est entre le 10è et le 90è percentile (DG modéré).

La surveillance systématique de la glycémie est indiquée chez les enfants de mère DG traitée par insuline et dont le poids de naissance est inférieur au 10è percentile ou supérieur au 90è percentile (DG sévère).

Dans tous les cas, les nouveaux-nés doivent être nourris au plus tôt après la naissance (dans la demi-heure) et à intervalles fréquents, au moins toutes les 2-3h. La HAS et l'OMS recommandent l'allaitement maternel. Le CNGOF estime qu'il n'y a aucune différence métabolique entre les bébés allaités ou non allaités, donc ils ne recommandent ni l'un, ni l'autre...

Enfin, il ne faut pas oublier que si le diabète est ainsi traqué, c'est bien parce que le sucre à trop fortes doses dans l'organisme est toxique ! Il est donc étonnant de constater que le mode de dépistage le plus répandu en France implique de provoquer sciemment une intoxication au sucre pour voir comment le corps réagit ! En outre, le sucre passant librement la barrière placentaire, le foetus subit également de plein fouet cette intoxication glycémique et il est étonnant que personne ne se pose la question des éventuelles répercussions sur le petit organisme en formation...

 

74732456

 

 


Sources :
HAS : http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/diabete_gestationnel_synth.pdf
CNGOF : http://www.cngof.asso.fr/D_TELE/RPC_DIABETE_2010.pdf
OMS : http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs312/fr/

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