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Comme une envie d'écrire...
8 octobre 2015

Lettre ouverte à la crèche dans laquelle j'ai fait la bêtise d'inscrire ma fille....

C. a deux ans et demi. C'est une petite fille vive, enjouée, rigolote et intelligente. Elle sait ce qu'elle veut et nous l'exprime parfaitement. Depuis la naissance de sa sœur il y a deux mois, elle fait parfois ce qu'on appelle communément des "colères" lorsque nous nous opposons à elle. Elle-même dit souvent "non" dans des situations diverses et variées. Je crois qu'elle aime autant qu'elle déteste ce mot.

C. a du mal à accepter le pot sur lequel elle refuse d'aller. Pourtant, cul-nu en fin d'été, elle a fait spontanément plusieurs pipis et un caca dans le pot. Mais elle n'aime pas rester cul-nu et elle n'aime pas qu'on lui propose d'aller sur le pot. Je ne sais pas si elle se plierait à un forcing puisque je ne l'ai jamais forcée... De plus, elle a toujours été avec moi depuis sa naissance, a été élevée au milieu de ses deux grands frères totalement gagas et elle est arrivée dans un contexte familial un rien compliqué. Son père et moi décidons donc, à défaut de pouvoir la mettre à l'école puisqu'elle n'est pas "propre" (pourtant, elle se douche régulièrement et ses vêtements sont lavés, je vous assure !), de l'inscrire à la crèche pour quelques heures le matin, deux fois par semaine, afin qu'elle se familiarise doucement avec la collectivité. Nous nous doutons qu'elle n'appréciera pas toutes les règles et que ça risque d'être parfois un peu compliqué, mais nous étions loin d'imaginer que C. allait subir une pression aussi incroyable.

Nous trouvions intéressant le fait qu'elle se confronte à la collectivité. Intéressant ! Oui car C. n'est pas une petite fille en manque de repères, ni en manque de limites. Nous lui avons cédé un peu plus de choses qu'aux aînés, oui. C'est assez commun chez les benjamins de fratrie ! C. est parfois très têtue et aime courir dans tous les sens. Mais lorsqu'on la frustre, si elle pleure cinq minutes, elle sait très rapidement gérer sa frustration. Je ne suis pas la plus objective, mais je ne crois vraiment pas que ma fille soit une sale gosse dissipée qui n'écoute rien, ni une capricieuse (à moins que "capricieux" soit la même chose que "pas propre" : une sorte de langage codé de la petite enfance !). Nous étions suffisamment à l'aise et nous avions suffisamment confiance en notre fille pour être presque curieux de ce qui allait se passer. Alors, nous vous l'avons confiée...

Les premiers jours se sont parfaitement passés... jusqu'au premier repas passé dans la structure. C. s'est mise à pleurer à la fin du repas pour ne plus s'arrêter. Vous avez commencé par me dire que vous ne compreniez pas ce qui s'était passé avant de m'avouer à demi-mot que vous l'aviez forcée à manger. Oui parce que même si vous ne lui avez pas tenu les bras et forcée à ouvrir la bouche, le fait que vous insistiez, que vous preniez les autres enfants à partie et que vous lui présentiez maintes fois la cuillères devant la bouche a fini par faire céder C. qui s'est sans doute vraiment sentie agressée. Elle vous l'a dit avec son langage d'enfant, que vous êtes censées être formées à comprendre, mais vous ne l'avez certes pas écoutée. La seule chose qui vous importait, c'était qu'elle perturbe l'équilibre de votre petit groupe. Après ce jour où je l'ai récupérée secouée de spasmes, vous m'avez sorti des choses que je n'aurais pas cru imaginables de la part de professionnels de la petite enfance. En premier lieu, et après seulement une semaine d'adaptation à coups de quart d'heure et de demi-heure, vous pouviez juger que C. était capricieuse et n'avait reçu "aucune limite". Pardon...? Aucune limite ? Ah non, madame, c'est impossible. C. connaît parfaitement le non et elle nous le montre bien. S'il est vrai qu'elle n'obéit pas toujours (quel enfant de deux ans et demi obéit systématiquement au doigt et à l'œil ?!), elle sait parfaitement gérer ses frustrations et elle en a forcément dans un quotidien qui voit évoluer une famille de six personnes dont quatre enfants ! Non seulement vous affabuliez, mais en plus, vous avez décidé au terme de cette journée que C. était personna non grata et vous n'alliez plus alors cesser de nous montrer "gentiment" la sortie.

Par la suite, qu'importe tous les efforts que C. fera pour s'intégrer au groupe et pour accepter les règles strictes de la collectivité (alors que je rappelle qu'elle ne s'y était jamais confrontée) : monter toute seule et en tenant la rampe les escaliers, mettre sa tétine dans sa poche, rester assise pour écouter histoires et chansons, aller sur le pot même si elle n'en a pas envie, etc... Qu'importe les discussions que nous aurons où j'essaierai de vous faire comprendre qu'on ne peut envisager, d'un point de vue pédagogique, qu'un enfant de deux ans et demi soit 1) sage comme une image 2) obéissant en toutes circonstance 3) toujours d'humeur égale et heureux de venir à la garderie, rien n'y fera. Oui, un enfant pleure parfois, surtout au moment du départ de maman. Oui, un enfant dit "non" et ce assez souvent à cet âge, en quoi est-ce anormal !? Oui, je vous laisse une enfant de deux ans et demi qui est en pleine phase de construction, d'apprentissage et non un petit robot pré-programmé pour être ce que vous voulez qu'il soit !

J'ai eu le tort d'être honnête vis-à-vis de vous. Lorsque je vous ai expliqué en deux mots l'histoire familiale qui entoure la naissance de C., vous n'avez eu de cesse ensuite de vous en servir contre moi ! Quelle empathie ! J'ai eu le tort de me remettre en question et de me demander si, vraiment, C. n'avait pas manqué de limites et n'était pas ce que vous me disiez qu'elle est : une enfant tellement insupportable qu'elle ne peut même pas être acceptée dans une crèche. J'ai eu le tort de douter de ma fille... Alors que C. me montrait à longueur de temps qu'elle voulait vraiment faire des efforts mais que, parfois, c'était un peu trop dur pour elle et qu'elle n'y arrivait pas toujours. Gérer un repas qui lui était imposé à une heure ahurissante (11h) et où elle était forcée de manger, c'était trop dur pour elle.

J'ai eu le tort d'avoir envie de vous tenir tête uniquement parce que votre attitude anti-pédagogique est totalement délétère pour les enfants et que je n'avais pas envie de céder à l'injustice que nous imposiez.

Et puis je me suis dit qu'après tout, l'essentiel pour moi était le bien-être de ma fille. Tant pis que vous ayez tort. Je n'ai pas besoin de vous, vous me l'avez suffisamment spécifié (vous ne travaillez pas, vous n'avez pas d'impératifs ! Non, excusez-moi mais c'est faux ! Quand on a quatre enfants à gérer, chacun avec ses horaires et ses besoins différents, on ne peut pas dire qu'on n'a pas d'impératifs !!). Quand j'ai réalisé que pour C., la crèche devenait synonyme d'angoisse absolue, quand j'ai réalisé que pour me plier à votre logique absurde d'adaptation de l'enfant (dont manifestement vous vous servez comme d'une période d'essai pour accepter ou refuser les enfants qui vous plaisent ou non...), ma toute-petite de deux mois passait ses matinées dans la voiture avec moi à attendre, j'ai fini par lâcher. Qu'importe que vous soyez persuadées d'avoir raison, d'avoir agi au mieux. Le dernier jour "d'adaptation", quand j'ai constaté que malgré tout, aucun des efforts de C. (et des miens) n'étaient pris en compte, quand j'ai constaté que malgré tout ce qu'elle essayait de faire, vous continuiez à lui faire comprendre qu'elle n'était pas la bienvenue ici et qu'elle se comportait mal au lieu de valoriser tous les moments où elle vous montrait à quel point elle voulait être intégrée, elle voulait être grande... j'ai pris ma petite fille dans mes bras, je me suis excusée auprès d'elle et je vous ai claqué la porte au nez. Vous l'avez mal pris. Si vous saviez ! C'est la seule chose qui m'a fait du bien ce jour-là ! Espérons que cette contrariété puisse vous amener à vous remettre en question... Quand je vois deux personnes gérer une petite dizaine de petits qui refusent une enfant qui pleure un peu, qui ne sont pas capables d'amener cette enfant au jeu et de calmer ses frustrations, qui ne sont même pas capables de simplement la respecter, je me demande vraiment ce que vous faites dans ce métier ! Vraiment ! Était-ce tellement indispensable de la forcer à manger !? Du moment qu'elle respectait les règles de la vie en société qui veut qu'on reste à table le temps que tout le monde ait fini (ce qui, en soit, n'a pas posé problème), quel besoin aviez-vous d'insister ?!

En sortant dans la cour ce jour-là, il faisait beau. La fenêtre donnant sur la petite salle où jouaient les enfants était ouverte. "C'est pas bientôt fini ce bordel ?!" ai-je entendu hurler. J'ai serré ma petite dans mes bras et j'ai dû faire ce qui est si difficile en tant que parents : admettre qu'on s'est trompé. Car je me suis rarement autant trompée qu'en vous faisant confiance, à vous, qui êtes pourtant professionnelles de la petite enfance...

Si je partage cette lettre aujourd'hui, c'est pour hurler ma colère d'avoir vu ma fille aussi malheureuse simplement parce que vous ne vouliez pas trop en faire...

M.N.

Dessin LO HGCe dessin illustre sans doute mieux que des mots le parent que j'ai eu l'impression d'être durant deux longues semaines...




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