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Comme une envie d'écrire...

22 mai 2019

Est-ce qu'on en parle...?

Il n'est pas fréquent que je sois « fan » de quelque chose. Je déteste ce mot, « fan ». Il est dérivé de « fanatique », et à mes yeux, les émotions et actes extrêmes que ce mot suggère sont des choses dangereuses qu'aucune œuvre ne mérite. Ou ne désir. Car après tout, seul l'argent se nourrit des fans.

Je ne me considère donc pas comme « fan ». J'aime des choses. J'aime des livres, j'aime des films, j'aime des musiques, j'aime des séries. J'aime beaucoup, un peu, pas du tout. Aimer est une chose belle. Quoique aimer dans la mesure semble être compliqué...

GoT n'a pas été une série que j'ai regardé dès qu'elle est sortie. J'en entendais parler et trouvais qu'elle soulevait bien des émotions qui me semblaient un rien excessives. Après tout, ce n'est qu'une fiction ! De ce fait, je n'ai pas eu envie immédiatement de m'y intéresser. Et cela aurait pu durer. C'est mon homme qui a déclenché mon intérêt. D'ordinaire particulièrement peu démonstratif, j'ai vu son émotion un jour à la suite d'un épisode. Je n'ai pas pu faire autrement que voir à mon tour. Mais comme les images sont des choses étranges qui m'effraient souvent, et comme des livres existaient, j'ai d'abord lu. Et j'ai aimé... j'ai beaucoup aimé.

 

 

ATTENTION SPOILERS !

 

 

La scène qui a donc tout déclenché est celle où Daenerys parvient à conquérir ses Immaculés. Cette simple anecdote un peu longuette devrait permettre à ceux qui n'aimaient pas ce personnage de comprendre dans quel sens tournera ce billet.

Daenerys !

Si belle, si amère, parfois cruelle, incroyablement téméraire, intelligente et courageuse. Cette femme capable, puissante, forte, violente et, en dépit de tout, libre. Cette mère qui dans les livres allaite ses bébés dragons. Rien de tel dans la série ! On peut trancher des gorges et faire des gros plans sur des flots de sang, mais pas voir une femme allaiter des lézards, si magiques soient-ils ! Daenerys est la dernière Targaryen de sang pur, la dernière fille du dragon, insensible à son feu. J'ai aimé ce personnage dès le début et jusqu'à sa fin. Il n'est donc pas aisé pour moi d'analyser objectivement ce dernier épisode, et cette saison dans son ensemble.

Comme beaucoup, pour diverses raisons, j'ai une sensation de gâchis incroyable. Je parlais précédemment de la mort de Cersei Lannister. Je parlais du fait que sa condition de femme l'avait non seulement condamnée à mort, mais en plus condamnée à une mort indigne, stupide, humiliante. La folie de Daenerys est le couperet définitif aux vélléités de modernité que cette série semblait porter.

Pour être honnête, je n'y ai d'abord pas cru. Certes, Port-Réal brûlait, et pour le coup, les showrunners n'ont pas lésiné sur les scènes atroces. C'est affreux la guerre. Ça révolte les survivants. Cette fameuse roue que Daenerys voulait briser, elle l'a elle-même lancée à toute vitesse. Dispenser la mort appelle à la vengeance, et ainsi, chacun son tour, les ennemis s'égorgent mutuellement et trépassent. Je ne cherche nullement à l'excuser. J'aurais aimé qu'elle ait une chance de s'expliquer, j'aurais aimé qu'une psychologie plus fine, jusqu'ici accordée à ce personnage, l'accompagne jusqu'au bout. Je pense qu'il est possible d'être consummée par le pouvoir, par la haine, par le besoin de vengeance. Je pense aussi que ça peut agir comme une ivresse passagère, et que le dégrisement apporte le pardon et la réconciliation.

Je pense à Anakin Skywalker, des destins tragiques de héros brisés, qui ont cru, vraiment cru qu'ils pourraient changer le monde. Qui ont cru, vraiment cru savoir ce qui était juste. Qui ont oublié que la première justice est le libre-arbitre des hommes...

Peut-être qu'en définitive, l'un des grands torts des hommes, c'est de toujours s'en remettre aux puissants, d'aimer leur pouvoir, de les en abreuver jusqu'à ce qu'ils se prennent pour des dieux et deviennent des tyrans. C'est l'erreur que nous avons tous fait en aimant et réclamant avec passion les actes de vengeance que les enfants Stark ont si brillamment accomplis, sans même nous rendre compte que nous les transformions petit à petit en monstres. Sans nous rendre compte qu'ils devenaient précisément ceux-là même qu'ils voulaient combattre. Si, encore, la folie de Daenerys avait pu conduire à un changement radical dans la façon de mener le monde, à une prise de conscience pleine et entière, peut-être l'aurais-je mieux acceptée. Car ses actions n'auraient alors pas été vaines, sa volonté première, alors qu'elle n'était qu'une jeune femme mariée de force à un terrible Khal, aurait été réalisée. Sa perte n'aurait été qu'un des nombreux dommages collatéraux, terribles, certes, mais pas plus que la mort des milliers d'innocents, à Port-Réal et ailleurs, durant les guerres diverses de ces seigneurs, au Mur et au-delà, contre le Night King, contre Joffrey, contre Cersei, pour Robb ou pour Ned, pour des mensonges ou des vérités malencontreusement révélées... Des morts... il y en a plein, toujours, partout. Et c'était précisément cela que Daenerys voulait arrêter.

Lorsque le trône de fer a littéralement été liquéfié par Drogon, quand le Donjon Rouge a littéralement été détruit par Daenerys, j'ai vraiment cru en une fin alternative. Plus de trône, plus de donjon, plus de symboles du pouvoir féodal emprisonnant les hommes depuis des siècles. Mais apparemment, les symboles, pour les showrunners, ne signifient rien. Et tout ça, toutes les batailles, tous les morts, tous les sacrifices, n'auront servis de rien.

Ce roi sur un trône qui n'existe plus, cette salle du Conseil avec ces hommes qui discutent de la reconstruction des bordels de la ville dans une indécence crasse, voilà la véritable tragédie. Non, je ne défends pas nécessairement Daenerys pour ce qu'elle a fait à la fin de sa vie. Non, je ne pardonne pas nécessairement la mort des innocents qu'elle a massacré, repassant encore et encore et encore dans les rues de Port-Réal,  « libérant » par le feu et la mort le peuple, se métamorphosant peu à peu en reine des cendres. Mais je regrette qu'on ait si vite oublié toutes ces saisons passées, qu'on ait si vite oublié toutes les épreuves, qu'on ait si vite oublié la bonté qui l'animait et qui l'a conduite là où elle est arrivée. Je regrette que ses combats, justes ou non, qu'elle menait dans l'idée de changer le monde, n'aient qu'apporté qu'une paix bancale dans laquelle rien ne changera décidément jamais.

Et après tout, qui est moins coupable que Daenerys ?

Jon ?
Qui lui plante traîtreusement une dague dans le cœur en lui jurant fidélité ? Ne rejoint-il pas Jaime Lannister, par son odieux régicide, celui qui fut si longuement condamné par le monde entier ? Ne reproche-t-il pas à Daenerys de déraper en établissant elle-même arbitrairement ce qui est juste pour le reste du monde tout en agissant de même ? Car après tout, n'envisage-t-il pas sa trahison par la justice qu'elle suppose ? Qu'est-ce qui fait de Jon une meilleure personne quand la seule réponse qu'il ait trouvé à son désaccord, à son dégoût d'elle pour ce qu'elle a fait et de lui-même pour ce qu'il a laissé faire, fut de la tuer froidement ?
Toutefois, Jon, à l'instar de Daenerys, a lui aussi été victime d'un abandon pur et simple. Les showrunners ont totalement fait fi de la personnalité complexe de ce personnage pour l'endormir totalement dans une loyauté sans fin et sans but, aveugle et pour le coup presque fanatique, l'ayant conduit à ce réveil brutal. Car s'il est vrai que Jon a toujours eu ce côté désespérément loyal qu'avait son oncle Eddard, il avait également une fougue que Ned n'avait pas, une réflexion, une conscience, une approche politique que Ned n'avait pas. Il est injuste que son personnage fut ainsi sacrifié ! Il est d'ailleurs fréquent de lire ou d'entendre que Daenerys était déjà cruelle et lunatique dans les précédentes saisons, car elle a mis à mort les Judicieux de Yunkaï, les Maîtres de Meeren, etc... Mais Jon n'a-t-il pas condamné à mort ceux qui l'avaient piégé et tué ? N'a-t-il pas pendu Olly, ce jeune garçon d'environ douze ans, qui avait agi aux côtés des traîtres ? Le pardon qu'il demande à Daenerys avant de la poignarder, l'a-t-il seulement accordé lui-même ?

Bran ?
Qui affirme être précisément venu depuis Winterfell pour être placé sur le trône (de fer ou non) de Westeros ? Bran qui savait, dans les grandes lignes au moins, ce qui allait se produire et qui n'a rien dit. Il respectait le libre-arbitre des hommes me direz vous, mais à quel moment est-il normal de laisser faire de tels actes ? Il n'est pas possible de condamner aussi durement l'action de Daenerys et ensuite de prétendre que ceux qui savaient n'étaient pas complices jusqu'à la moelle ! Et je ne parle pas de ceux qui devinaient sans oser y croire, tels que Tyrion ou Jon. Je parle de savoir. Bran, on le voit clairement, a toujours su. Et il n'a rien dit. Il a laissé des milliers d'innocents périr pour monter ensuite sur le trône. Si ce sacrifice avait pu servir à bâtir un monde différent, encore, peut-être... mais même pas !  Le véritable usurpateur, c'est peut-être bien lui. Le véritable monstre, c'est peut-être bien lui... Car il détient un pouvoir colossal, sait s'en servir, le mettre à son profit et le rappeler aux hommes qui l'entourent (la scène où il dit qu'il va essayer de localiser Drogon est subtile, mais néanmoins très claire ! Car pour quelle foutue raison souhaiterait-il localiser ce dragon si ce n'est pour rappeler à tous qu'il est capable de le faire ?!). Je trouve injuste qu'il nomme Main du roi Tyrion en justifiant sa décision par le fait qu'il puisse ainsi « réparer tout le mal qu'il a fait ». Quel mal ? Tyrion est l'un des seuls dans toute cette histoire à avoir agi avec amour et pardon en libérant son frère et en essayant de sauver sa sœur ! À quel moment condamne-t-on des hommes comme lui ?! Bran est apparemment lui aussi seul détenteur de la justice...

Sansa ?
À qui tout le monde semble faire confiance puisqu'elle a su pressentir que la future reine des Sept Couronnes n'était pas digne de confiance... Sansa qui ne s'est préoccupée que d'une chose : que le Nord soit libre. Le reste pouvait bien brûler ! Sansa qui parvient à ses fins, se faisant couronner reine du Nord. Je me suis sentie particulièrement mal à l'aise en voyant la scène de son couronnement. Dans son regard, son attitude et jusque dans l'aspect de sa couronne, je voyais Cersei. Sansa, il est vrai, a appris auprès des meilleurs. Cersei, Littlefinger, Ramsay Bolton... Et contrairement à ce que cette série semble avoir toujours affirmé plus ou moins ouvertement, les malheurs, les viols et les coups ne rendent pas plus forts, il détruisent ! Cela rend fou, et Sansa l'est à l'évidence. Qui d'autre qu'une personne aliénée par la douleur et le besoin de vengeance aurait massacré Littlefinger comme elle l'a fait, sans procès, et en dépit de l'aide qu'il avait apportée dans la bataille des Bâtards ? Oui, Littlefinger était un salaud. Est-ce que cela justifie la mort qu'elle lui a donné ? Ne parlons même pas de Ramsay Bolton. Encore une fois, méritée ou non, la sentence n'était rien d'autre que de la vengeance pure, une façon de rendre coup pour coup, et ce n'est certainement pas cet état d'esprit qui changera le monde et brisera la roue. En outre, celui qui applique pareille condamnation ne peut pas s'en sortir indemne.
De fait, ne nous méprenons pas : Sansa n'était pas méfiante vis-à-vis de Daenerys parce qu'elle pressentait sa folie, elle détestait Daenerys parce qu'elle voulait la couronne du Nord, et elle voyait cette nouvelle reine comme un obstacle entre elle et son but. Qu'elle en profite. Les fantômes des Cloches la regardent...

Arya ?
Qui glisse subtilement à Jon qu'elle sait reconnaître un tueur quand elle en voit un... En effet, elle peut ! Elle n'a qu'à se regarder... Les sans-visages ne sont-ils pas une secte d'assassins renommée ? Ce qu'elle a fait en exterminant l'intégralité de la maison Frey, vécu comme une vengeance particulièrement salvatrice par les spectateurs, est-ce mieux ? Est-ce normal ? Est-ce que, vraiment, tous les hommes qui sont morts empoisonnés avaient pris part au massacre de Robb et des Stark ? Et quand bien même ? Quid du fameux pardon demandé si ardemment à Daenerys...? Son départ vers l'ouest ne m'a d'ailleurs pas convaincue une seconde. N'ayant plus de vengeance à concocter, plus de gens à tuer, que pouvait-elle bien faire, qui pouvait-elle bien devenir ? Celle qui n'était « Personne » le redevient...

En définitive, Daenerys n'a pas été le seul personnage assassiné par les scénaristes. À l'instar de Ver Gris, les enfants Stark, ceux pour qui on a tremblé, pour qui on a espéré, ceux qu'on a aimés, ont eux aussi tous basculé.

La scène de conseil improvisé dans Fosse Dragon est proprement surréaliste ! Les seigneurs de Westeros, dont la moitié n'ont pas pris part à la guerre, se réunissent, apparemment pour statuer sur le sort de Tyrion. En réalité pour désigner un nouveau roi. Sur toutes les personnes présentes, Sansa, Samwell, Arya, Bran, Davos et Tyrion savent que Jon Snow est en réalité Aegon Targaryen, sixième du nom, fils légitime de Raeghar Targaryen et de Lyanna Stark et héritier du trône de fer. Qu'ils estiment tous que le règne des Targaryen a fait suffisament de morts et qu'il n'est plus question d'en mettre un sur le trône, admettons. Quoique cela efface un pan entier de l'histoire de Westeros car des Targaryen qui ont fait avancer le monde dans le bon sens, il y en a eu ! Jaehaerys Ier par exemple... Mais qu'il ne le mentionne même pas ?! Pas un seul instant ?! En outre, lorsque Samwell invente brièvement la démocratie, chacun se moque, y comprit Sansa... est-ce donc là le nouveau monde qu'on nous offre ?! Est-ce donc tout ce qu'on fait de l'héritage des combats passés ? Varys, Daenerys, Ned et tant d'autres sont finalement morts pour rien. Mais en définitive, lorsqu'on les compte, ceux qui ont réellement voulu, à un moment ou un autre, changer le monde, n'étaient pas si nombreux. Chacun est las et chacun en convient, pourtant on n'hésite pas à recommencer, se cachant derrière un roi étrange, de pseudos élections qui ne tiendront pas cinquante ans et des chemins si souvent pris qu'ils sont tracés et confortables.

Tiens, puisqu'on en est là. Ser Bronn de la Nera.... On en parle ? Le mec qui reste caché durant la moitié de la série, qui papillonne d'un frère Lannister à l'autre, qui promet la mort puis monnaye la vie, qui ne défend jamais aucune cause juste ou non, se cache comme un rat dans son trou pour réapparaître et toucher son « dû »... Tellement normal, tellement logique qu'un homme pareil gagne ce genre d'honneur. Tout ce que Daenerys la Folle, la digne fille de son père Aerys II le Fou, ne voulait pas... Qui sont les fous en réalité...?

En conclusion, je dirais qu'au jeu des vengeances, on ne gagne jamais, on ne peut que perdre...

 

 

 

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16 mai 2019

Envie d'en parler - GoT Saison 8 - épisode 5

Si vous n'avez pas encore vu l'épisode 5 de la saison 8 de Game of Thrones, si vous n'avez pas encore entamé la saison 8 de Game of Thrones, si vous ne savez même pas ce que c'est que Game of Thrones, passez votre chemin, ou acceptez d'être spoilier ! Car ce qui va suivre s'adresse à ceux qui sont à jour dans la série et est donc rempli de spoilers !

 

C'est ok pour vous ?

 

Vous êtes prêts ? 

 

Allons-y !

 

 

 

Game of Thrones - Saison 8 - épisode 5

 

De la mort de Cersei, entre patriarcat, coup de maître et déception

 

Beaucoup de fans de GoT se sont sentis complètement spoliés lorsqu'ils ont assisté à la mort de Cersei Lannister et de son frère jumeau Jaime. Moi-même, je n'ai pu m'empêcher de pousser un « quoi ?! » de rigueur. Sur le coup, je me suis dit que c'était une plaisanterie ; ils allaient réapparaître. Étant donné la place que tient le crédible dans cette dernière saison, cela ne me paraissait pas du tout improbable. Cependant, à mesure que le temps passe, je crois vraiment que ces deux-là sont passés dans l'autre monde, et je ne cesse d'osciller entre admiration pour cette scène et agacement pour ce qu'elle signifie. Explications.


1. Neuf ans d'attente pour une mort si rapide, si douce ?! What ?

La première réaction. C'est vrai, quoi. Cersei est quand même l'une des pires dans toute la saga. Elle est à l'origine de tant de haine, de déchirements, de morts... qu'on ne les compte plus. Et si son fils, Joffrey nous a laissé un souvenir impérissable, il faut reconnaître que dans le panel de grands méchants, Cersei tient une place de choix. Une place féminine de choix, ce qui, jusqu'à ce qu'on nous fasse tourner notre Daenerys en mad queen, était assez unique.

En effet, les vrais grands méchants de cette série ont tous été masculins. Joffrey Baratheon, Jaime et Tywin Lannister, Roose et Ramsey Bolton, Euron Greyjoy... Parmi les femmes, on ne sait trop où se situent les Aspics des Sables dans un premier temps (les filles illégitimes d'Oberyn Martell), et il est clair que parmi elles, il en est qui ne sont pas tendres. L'empoisonnement de Myrcella au retour de Dorne, quoique personne ne se soit réellement attaché à ce personnage fade et quasi inexistant, fait quand même entrer les Aspics dans le camp des « la justice passe par la haine ». Cependant, aucune méchante (non, pas d'écriture inclusive pour le coup !) n'arrive à la cheville de Cersei, qui nous tient en haleine durant neuf interminables saisons d'intrigues, de complots, de machiavélisme et de malveillance crasse.

Oui, mais...

 

2. Une mort de héros ?!

C'est la première chose qui m'est venue en tête. Cette impression très désagréable que les showrunners lui ont offert une mort digne d'une héroïne, rattrapée par un destin funeste, se sacrifiant après un ultime acte chevaleresque. Ah non, attendez ! Ce ne serait pas plutôt Jaime, ça ?!

Et oui, le fait que Jaime soit revenu vers elle in extremis, affrontant pour ce faire le très caricatural Euron Greyjoy, et laissant derrière lui sa propre rédemption qui avait pris les traits de Brienne de Torth, peut être vu comme le retour aux enfers d'un ancien junkie qui retombe dans sa came. Combien d'entre nous s'attendaient à ce que les mots terribles que le Régicide a adressé à Brienne avant de quitter Winterfell ne soient qu'une façon de la tenir éloignée de ses desseins ? Combien d'entre nous se sont dit « non, ce n'est pas possible qu'il retourne vers elle alors qu'il semblait sincèrement repenti ! ». Alors, est-ce qu'on s'est trompé ? Ne pouvait-on avoir une lutte acharnée, une mise à mort, un combat ultime entre ces deux yin et yang, ces « evil twin » ?! Certes, je m'y attendais. Et l'attitude de Jaime m'a mise très mal à l'aise sur le moment. En colère, même. Mais réfléchissons deux minutes.

Jaime était sincèrement repenti. Diminué par la perte de sa main d'épée, terrorisé par l'arrivée des morts à Westeros, obnubilé par sa parole d'envoyer des armées au Nord, il abandonne sa sœur pour rejoindre Winterfell où il combat bravement (heu... il n'a plus qu'une main gauche et il est loin d'être un soldat hors pair avec, mais il survit, okey, okey...), puis il succombe au charme de Brienne, après lui avoir offert le présent assez inestimable de la faire chevalier des Sept Couronnes dans l'épisode 2, juste avant la Longue Nuit. On le pensait vraiment devenu protagoniste, on pensait qu'il avait laissé derrière lui son passé. Et moi, je crois qu'on ne s'est pas trompé. Jaime n'a jamais replongé.

Jaime sait que sa sœur est perdue. Quoiqu'il fut quelqu'un d'odieux et de terriblement méchant par le passé, on a un bout d'explication quant à cette attitude terrible dans la saison 3, lorsque il explique à Brienne ce qui l'a amené à tuer Aenys II, le roi fou. « Brûlez-les tous », répétait-il, « brûlez-les tous ! Dîtes-moi, Bienne de Torth, si votre roi vous avait ordonné de regarder mourir des milliers d'hommes, de femmes, d'enfants, brûlés dans leurs maisons, jusque dans leurs lits, l'auriez-vous fait ? ». Le mépris que le Régicide, qui insiste dans cet épisode pour être appelé Jaime, a subi pour avoir rompu ses vœux et assassiné le roi fou devient soudain moins évident. Voire injuste. Terriblement injuste. Sa méchanceté ne serait-elle pas une réponse maladroite à cette méchanceté extérieure...? En attendant, il est redevenu quelqu'un de bien. Et savoir sa sœur perdue, probablement esseulée, sans doute sous-peu livrée à des bourreaux sanguinaires, et bien non, ça ne lui fait pas plaisir. Parce qu'en vrai, quand on est quelqu'un de bien, on ne se réjouit jamais de la mort des gens, et en particulier des membres de notre famille, si abjects soient-ils !

Les mots très durs qu'il adresse à Brienne avant de partir ne sont-ils pas tout de même une façon de l'empêcher de le suivre ? Allons même plus loin, une façon de l'autoriser à le haïr pour ne pas trop souffrir de sa disparition ? Ou peut-être une façon de se protéger lui-même, car quitter Brienne lui est peut-être bien plus douloureux que ce qu'il ne veut bien le laisser voir. Le combat entre Jaime et Euron est, à mes yeux, une façon un peu expéditive, de faire disparaître ce personnage ô combien sot et agaçant – devenu encombrant –, que nous avions pris à tort pour le nouveau Joffrey Baratheon ou Ramsay Bolton, alors qu'en réalité, il ne s'agissait que d'un bouffon. Mais ok, pourquoi pas. Après tout, il fallait bien que quelqu'un s'y colle.

Les retrouvailles entre Cersei et Jaime, personnellement, me fichent le frisson. On entrevoit soudain l'humanité de Cersei. Elle redevient, juste à la fin, une femme, une mère, et ses derniers mots, sa dernière exigence sera définitivement tournée vers son enfant, comme ce fut le cas durant toute la série : « je veux que notre bébé voit le jour ». Je trouve cette approche très fine. Soudain, le monstre redevient humain et cela nous offre un contraste extraordinaire avec la reine froide et calculatrice que nous avions vue auparavant. Elle n'est plus rien, réduite à ses larmes dans son palais qui tombe en ruines. Elle touche du bout des doigts le désespoir qu'elle a s'y copieusement dispensé tout au long de son interminable règne. Le fait de la rendre humaine à ce moment précis est, à mon sens, très futé. En effet, quoi de pire qu'un monstre qui commet ces crimes en toute connaissance de cause ? Quoi de pire, finalement, rétrospectivement, que cette femme, sujette aux émotions humaines, qui a su durant tant d'années haïr, tuer, massacrer de la pire manière chacun de ses ennemis ?! Si elle avait été confrontée directement à Daenerys, ou à Jon ou à n'importe qui d'autre dans une ultime lutte épique, jamais elle n'aurait pu montrer cette part d'elle-même, cette part qu'elle ne pouvait laisser sortir qu'en sachant que plus personne n'était là pour la regarder, que la faiblesse qu'elle exprimait à ce moment-là n'allait plus pouvoir lui causer le moindre tort. Il est intéressant qu'elle voit sa propre fin comme inéluctable. Sa souffrance, sa torture, ne seront finalement pas physiques, mais mentales.

Jaime tente de la faire sortir du Donjon Rouge, mais bien sûr, celui-ci étant déjà partiellement effondré, les issues, même les plus secrètes, sont déjà obstruées. Une chute que l'on pouvait voir venir à dix kilomètres, mais ok, c'est pratique, c'est plausible (plus que la mort du Night King !), alors marchons. Cersei panique, veut voir son bébé naître, ne veut pas mourir, pas « comme ça », et Jaime la ramène à lui, lui répète ce qui, finalement a causé leur perte : « Il n'y a que nous deux. Rien d'autre n'a d'importance. ». Alors que le spectateur voit le plafond qui s'effondre peu à peu, Jamie et Cersei restent enlacés l'un contre l'autre avant d'être définitivement ensevelis sous les décombres.

Cette scène me rappelle celle de Rogue One lorsque Scariff se fait détruire par l'Étoile Noire... Une mort digne de héros, et dans un sens, ils le sont. Cersei, comme Dark Vador, a été une méchante qu'on a adoré haïr. Jaime, tardivement mais sûrement, est devenu quelqu'un de vraiment bien. N'avaient-ils pas le droit, après tout, de mourir dignement ?

 

3. Et pourtant...

Ouais, parce que rien n'est tout à fait aussi simple. J'ai plusieurs bémols à poser sur cette mort de héros. Le fait est, ils sont enterrés vivants, il est probable qu'on ne retrouve jamais leurs corps, qu'on ne les profane donc jamais. Avec un peu de chance, ils resteront enlacés pour l'éternité et cela nous rappelle encore d'autres héros : Quasimodo et Esmeralda dans Notre-Dame de Paris, de Victor Hugo. Une mort de héros, je vous dis ! Sauf que...

Il y a quelque chose qui me chiffonne dans le fait que les showrunners aient fait de Cersei l'une des plus grande méchante (non, non, toujours pas d'écriture inclusive) de l'histoire des séries télé, mais ne lui offrent finalement qu'une mort de femme enceinte aux hormones survoltées. Car, il faut le reconnaître, en matière de mort catharsistiques, avec horreurs sanglantes et gros plans dégueulasses, ils ont déjà fait et savent parfaitement mener le jeu ! Parlons de la mort de Joffrey qui s'étouffe interminablement empoisonné à son propre banquet de mariage, avec gros plan sur son visage déformé, bouffi, affreux. Parlons de la mort de Ramsay Bolton, dévoré vivant par ses propres limiers. Parlons même (quoiqu'il ne fut pas un antagoniste) de la mort d'Oberyn Martell, la Vipère Rouge, dont le crâne fut littéralement explosé par la Montagne... Et passons, par pitié, sur les Noces Pourpres ! Oui, ils savent faire. Mais hé, Cersei est une femme ! Massacrer une femme, c'est encore quelque chose de tabou. Je ne suis certes pas pour le féminicide (au secours !), mais l'égalité des sexes commence aussi ici. Il y avait un côté féministe, progressiste à nous offrir des femmes méchantes, terriblement sadiques et intelligentes dans leurs méfaits. Pourquoi s'arrêter là ? Est-ce que le public n'est pas prêt à voir Cersei, une femme donc, se faire dévorer vivante par Drogon ? Ou de la voir agoniser, transpercée par le javelot de Ver Gris ? Non, pas de scène de mort, pas de sang, pas de gros plans horrifiques pour Cersei, et ce manque est à mon sens dû en partie au fait qu'il s'agit d'une femme.

Patriarcat, quand tu nous tiens !

Et ce n'est pas la seule bavure que nous offre cette fameuse mort ! En effet, dans le sous-sol du Donjon Rouge, juste avant leur disparition, Jaime se retrouve obligé de calmer une Cersei rendue hystérique (coucou, les femmes qui osent exprimer leur colère ou leur peur !) par l'idée de mourir. C'est lui, l'homme, le héros en définitive, qui la ramène sur terre et qui l'enjoint à se calmer afin de mourir à peu près dignement. Est-ce qu'on aurait été plus satisfait de la voir piailler jusqu'à ce que les pierres du Donjon Rouge l'écrase ? Est-ce que ça n'aurait pas été encore pire ? Est-ce qu'il est possible, aujourd'hui, qu'une femme meurt comme un homme ?! La question est posée.

 

4. Une mort indigne ?

Et oui, c'est peut-être finalement l'explication la plus plausible à toute cette histoire. Et si les showrunners n'avaient absolument pas voulu leur offrir une mort digne, une mort héroïque et encore moins une mort mémorable comme celle de Ramsay ?! Et si, finalement, cette ensevelissement stupide, qui ne permettra probablement jamais de retrouver leurs corps, n'était pas une façon de les effacer de l'histoire, de leur rappeler que pions ils étaient, pions ils redeviennent ? Car, après tout, la vie d'un être n'est pas la seule définition de son existence, et parfois, sa mort peut laisser bien plus de traces que ses actes. C'est le principe des martyrs. Les faire ainsi disparaître, sans que personne n'en soit témoin, sans que personne n'en soit directement coupable (bon, Daenerys, t'as grave déconné quand même !), c'est une façon de mettre un point final à leur malfaisance et de ne pas laisser leur mémoire sortir de la tombe. C'est une mort stupide, indigne, presque drôle, qui empêchera quiconque dans les Sept Couronnes, de les vénérer à l'avenir.

 

Alors, en définitive, est-ce que j'ai aimé ou non la mort de Cersei et Jaime Lannister ? Je ne saurais le dire. Mais je suis satisfaite des tournants inattendus que prend la série, j'aime la surprise, et surtout, j'aime l'idée que parfois, la vie a ses détours et frappe là où on ne l'attend pas. Tout ne peut pas être parfait, tout ne peut pas se dérouler exactement comme on l'entend, tout simplement parce que la réalité, à laquelle George R.R. Martin voulait coller un peu plus, est capricieuse, facétieuse, et se fout royalement de la justice des Hommes (et des Femmes !).

 

Et vous, vous en avez pensé quoi ?

Bisous !

 

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2 septembre 2017

Esquisse d'une vie perdue

Une photo pleine de mots retenus

Un regard plein d'inquiétude contenue.

Au-delà des mots, l'intuition, l'épuisement, un début de désespoir.

Une petite fille dont le visage est crispé de cris et de pleurs. Une maman dont le câlin submergé et les lèvres fatiguées cajôlent avec cette désinvolture des habitudes que l'on croit acquises pour toujours.

Les yeux perdus quelque part dans l'enfer des possibilités macabres, des questions sans réponse, d'un avenir que l'on ne peut envisager comme incertain.

L'épuisement d'une lente agonie, d'une vie volée par une nature capricieuse, un coeur malade, une médecine trop sûre d'elle pour sauver l'enfant qui meurt.

Une étreinte perdue, une odeur, une voix, des yeux qui n'existent plus et ne reviendront jamais. Une inexistence farouchement présente. Un devenir imaginé à défaut d'être vécu. Cette vie sacrifiée sur l'autel de la probabilité la plus infime.

Un instant fugace capturé par un papa aimant, mais pas tout puissant. Les limites de deux parents impuissants. La toute première fêlure d'une famille brisée.

Le quotidien d'une enfant gravement malade et malgré tout non diagnostiquée.

Et cependant, un souvenir chéri, une magnifique photo non posée, non jouée, une simple esquisse d'une vie si vite envolée qu'il est juste bon d'entrevoir aussi concrètement sa réalité.

Marie, mon ange, ma douleur, ma douceur. Mon lien vers le ciel...

 

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10 mai 2017

13 reasons why, de Jay Asher

13 reasons why...


La première fois que j'ai croisé ce titre, je crois que c'était sur une publication suggérée de Facebook. Si le chiffre 13 m'a immédiatement interpellée, « reasons » et « why » ne sont pas restés en reste.


13 reasons why...


Le titre n'a pas été traduit, et on peut comprendre pourquoi. C'est l'une de ces fameuses tournures de phrase absolument intraduisibles. Enfin si, elles se traduisent, bien sûr, mais elles perdent alors toute leur fougue, tout leur poids. En français, ça donnerait quelque chose comme : « pourquoi, en 13 raisons. ».


C'est étonnant, me suis-je dit. « 13 » m'a attirée en premier parce que c'est l'âge de ma petite sœur. « Reasons » en second parce que les raisons qui nous poussent à agir, ou à désirer agir, sont parfois très difficiles à identifier, même pour les premiers concernés. « Why », parce que « pourquoi » est un mot que je n'ai cessé de prononcé, à voix haute ou non, durant les sept dernières années, après la mort de mon beau-père, et encore plus après celle de ma fille.


Un titre qui semble être fait pour moi, en somme.


Mais pas que.


Un titre qui semble être fait pour moi, maintenant.


Je me suis renseignée un peu sur ce titre, j'ai appris qu'il s'agissait d'une nouvelle « série événement » sur Netflix, et en général, il ne m'en faut pas beaucoup plus pour me faire fuir dans la direction opposée. J'ai un léger problème avec toutes les « séries événements » que « tout le monde veut voir ». Puis, je me suis rendue compte que ça parlait d'adolescence, de mal-être. Alors, pour le coup, j'ai fuis. Ce n'était pas du tout le moment pour moi de regarder ça. Petit a, parce que j'essaye de devenir l'adulte que je suis censée être, et de laisser ma propre adolescence derrière moi. Petit b, parce que ça fait près de cinq mois que je suis terrifiée à l'idée de ce qu'il pourrait arriver à ma sœur. Petit c, parce que mon fils aura 13 ans cette année, qu'il entre avec naïveté et espoir dans cette période si délicate de la vie, et que je peine déjà suffisamment à dissimuler mes peurs le mieux possible.


En somme, j'ai appliqué la bonne vieille stratégie du « courage, fuyons » !


Samedi, promenade en intérieur, temps de merde oblige, nous sommes montés à la Fnac car j'ai la chance d'avoir des enfants fan de bouquins. C'est là, dans le rayon jeunesse, que ce titre m'a de nouveau sauté à la gorge.


13 reasons why. À chaque fois, j'ai envie de répondre : « ouais, parlons-en ! Pourquoi ?! ». Et si je n'aime pas le principe même de la série (on pourrait longuement aborder le sujet de l'effet boule de neige capable d'annihiler tout sens à un œuvre sous le prétexte fallacieux de garder de l'audience et de continuer à faire du chiffre d'affaire...), je suis beaucoup, beaucoup plus réceptive aux livres... Je l'ai alors pris entre les mains. J'ai lu le résumé. Mon cœur s'est mis à battre une drôle de chamade.


Je précise que je n'avais aucune intention d'acheter ce bouquin, et qu'il s'est passé ce genre de moments étranges où on se retrouve à faire quelque chose sans être capable, même a posteriori, de l'expliquer rationnellement. Je me suis retrouvée dans ma voiture, avec ces 13 putains de raisons entre les mains.


Je me suis dit que j'attendrai d'avoir fini le livre que je suis en train de lire pour entamer celui-là. Il n'y a aucune urgence, n'est-ce-pas ?! Mais la veille, j'avais reçu un appel de ma mère. Le genre d'appel franchement fuyant, où on aimerait savoir des choses qui semblent inaccessibles, où notre interlocuteur se perd en digressions diverses et où on raccroche en se disant : « mais pourquoi je n'ai pas insisté, bon sang ?! ». Alors, j'ai ouvert le bouquin. Là encore, selon le très connu « je ne lis que la première page, histoire de voir un peu à quoi ça ressemble ».


Problème : je ne l'ai plus refermé avant d'avoir lu le dernier mot de la dernière page.


Second problème : ce livre m'a bouleversée...


Après l'avoir lu, j'ai fait un cauchemar atroce. Je me retrouvais au milieu de gens que je connais très bien – d'amis même, oserais-je les qualifier ainsi ! – et sans s'en rendre compte, ils disaient des choses terribles, humiliantes, violentes... à mon encontre. J'ai d'abord pensé que j'avais rêvé de cela uniquement parce que je venais de lire un livre qui parle de cette violence insidieuse, de ces « petits riens », « pas méchants », « pas mesquins »... De ces fameux « t'as pas d'humour », « c'était pour rire », « je ne pensais pas à mal ». De ces grains de sable qui finissent par faire un tas, un énorme tas, étouffant.


Et en fait, j'ai compris que j'avais été cette adolescente-là. Celle à qui on colle une « réputation » parce qu'elle sort du rang, parce qu'elle fait des choses qu'on juge mauvaises, dégradantes. Je ne compte pas les fois où l'on m'a traitée de petite pute, uniquement parce que j'ai été en couple très jeune. Ces fois où, en cours d'éducation sexuelle, on riait et me montrait du doigt, on disait ouvertement à la prof que « Lisa, elle sait, elle ! Demandez-lui ! ». Ces filles qui venaient me voir pour savoir ce que ça fait de coucher et avec qui le faire pour la première fois. Ces garçons qui me proposaient de coucher avec eux uniquement parce que j'avais une réputation de fille facile, et sans passer par la case drague. Ces parents qui refusaient que mes amies, que je connaissais pourtant depuis l'école primaire, continuent de me voir. J'étais l'ado qui a mal tourné, j'étais celle à éviter, le mauvais exemple à ne pas suivre.


La réalité ? J'ai aimé UN homme très tôt, très jeune. Il était plus âgé que moi et nous avons eu notre premier rapport tôt. Mais c'est tout. Cela fait maintenant quinze années que nous sommes ensemble. Je n'ai jamais eu personne d'autre que lui. Et de toute façon, quand bien même j'aurais vraiment enchaîné les garçons, est-ce que cela signifiait que je méritais moins de respect...?! Où en est-on, à la fin, de la condition féminine dans notre culture, dans notre société au XXIè siècle ?!


Je crois qu'il vaut mieux que je passe sur ma première grossesse et ma solitude... mon isolement au sein de ma famille artistique, de mon club qui m'avait accueillie à l'âge de sept ans et vue grandir. Les paroles violentes de mon prof, les gens qui murmurent en me regardant, qui me disent que je l'ai bien cherché. Je ne l'ai pas précisé ? J'avais 16 ans lorsque j'ai eu mon premier enfant. En fait, je le précise rarement. Même encore maintenant...


Bref. J'ai compris que 13 reasons why avait une résonnance incroyable en moi. Et pourtant, je n'en ai parlé à personne autour de moi. J'ai gardé cela comme un secret, pour moi, à l'intérieur de moi, jalousement. Je le sais : je suis encore tellement en colère contre tout ça. En colère contre cette société, contre ses jugements, contre ses enfants qu'elle élève dans la haine de l'autre, la violence, les humiliations. Les « c'est comme ça », « ce sont des histoires de gamins », « c'est une mauvaise période »... Cette résignation coupable. Cette cécité complice. Et je le sais : je n'arrive pas à passer à autre chose et je n'arrive surtout pas à en parler. Lorsque cela m'arrive, je me sens toujours, toujours fautive.


À la toute fin du livre (spoilers pour ceux qui regardent la série, ou lisent cette histoire), l'héroïne – qui s'est donc suicidée – rencontre son conseiller pédagogique. Déjà, bien avant, elle avait tenté d'alerter au moins un adulte, sans succès. Là, elle y va franchement. Pourtant, le conseiller tourne autour du pot, comme pensant qu'elle ne mesure pas toute l'ampleur de ses mots, de ses pensées. Et elle, ses réponses sont suffisamment vagues – on sent qu'elle a tellement de mal à trouver un point de départ à son histoire, à organiser les événements entre eux – que son mal-être devient inexplicable. Et presque... insignifiant, en fait. Le conseiller ne mesure pas le danger dans lequel elle se trouve. Il n'alerte même pas ses parents...


À ce stade-là, toutes mes pensées sont fixées sur ma petite sœur. À ce stade-là, je me dis qu'il faudrait vraiment que quelqu'un apprenne à ces gens, à ces adultes-là, qu'un adolescent sait de quoi il parle, que son ressenti est authentique et qu'il ne s'agit jamais de gamineries, de passades ou que sais-je. À ce stade-là, je me dis qu'il faudrait vraiment remettre au centre de la société ceux qui construiront celle de demain, pour éviter qu'ils ne s'abîment, ne se brisent, pour éviter qu'ils ne craquent, pour éviter qu'ils ne deviennent... et bien ! comme les adultes qui les éduquent ! Résignés, coupables, aveugles....


13 reasons why, c'est l'accumulation de petits faits, gestes, mots violents, humiliants, dégradants, qui deviennent trop lourds à porter. Il n'y a pas un responsable. Il n'y a pas un fait. Il n'y a rien de concret à dénoncer. Il n'y a même pas vraiment de harcèlement avéré. Il y a « juste » une montagne de petits ceci ou de petits celà. Et le pire ? C'est que l'impossibilité de dénoncer un ou des coupables commettant des actes graves décridibilise totalement la parole et le mal-être de la victime ! Voire même on se débrouille pour conclure que la victime est peut-être un peu coupable en fin de compte... Que tout ça vient un peu d'elle...


Mais 13 reasons why, c'est aussi l'espoir.


D'alerter.


Que ça ne recommence pas.


Que tout change.


Que plus jamais personne n'éprouve 13 reasons for...

PS : je tiens à préciser que j'ai mis un temps fou à publier ce billet. J'ai même failli y renoncer. Tout simplement parce que je me sentais super mal à l'idée d'avoir peut-être des commentaires négatifs. Tout simplement parce que j'éprouve encore la sensation tenace que j'exagère, que c'était un peu de ma faute, que certaines personnes sont victimes d'un vrai harcèlement sans avoir rien fait pour le mériter, alors que moi... moi quoi, en fait ?! Ouais... voilà le souci. Dans ce genre d'affaire, les victimes deviennent très vite coupables, au point de ne même plus être capables d'en parler sans avoir honte... Même 15 ans après...

 

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3 avril 2017

Écrire...

Il y a des jours où je pars si loin que je me demande si je reviendrai. J'admire ces gens qui savent écrire, promouvoir, vendre, être ici et là-bas en même temps... De mon côté, je suis rarement ici, mais souvent là-bas. Chaque fois que je vis dans ce monde-là, celui qu'on dit réel, je m'égare malgré moi. Il y a plusieurs mondes au fond de moi, ils m'appellent tous. La moindre image, le moindre événement, la moindre phrase peut me faire plonger dans une idée qui germe et s'épanouit quasi instantanément dans ma tête.


Je n'ai intégré la différence entre fiction et réalité qu'à l'âge de six ans. Je me souviens encore du moment où j'ai enfin compris que ce que j'imaginais n'était pas la réalité au sens où l'entendaient les adultes et la majeure partie des gens. Cela m'a fait un choc. J'ai souvent été traitée de menteuse à cause de ça. Juste parce que je m'étais perdue en route.


Aujourd'hui, je ne me perds plus. Mais il m'est souvent très difficile de revenir. J'ai parfois la sensation étrange d'être et de ne pas être tout à la fois, de vivre intensément des émotions de papier, de connaître des gens qui n'existent pas, de me demander ce qui arrivera après, d'être surprise et d'écrire en même temps la suite de cette vie-là. Alors, dans la réalité, je rencontre des gens, mais je ne sais jamais de quoi leur parler, parce que ce que j'aimerais leur dire n'est pas la réalité. Du moins, pas la leur. Pas celle qui est admise en dehors des pages d'un livre. Alors je me tais. Je tais des émotions puissantes, des inquiétudes violentes, et qui paraissent si réelles. Je tais des angoisses, des curiosités, des découvertes... Et c'est si douloureux. Mais je le fais parce que je ne suis pas une menteuse. Je suis une rêveuse. Une « imagineuse » comme m'a dit une fois mon fils en me voyant noircir l'un de mes petits carnets d'idées.


Souvent, ces mondes-là me dévorent. C'est comme s'ils me gardaient jalousement pour eux. Parfois, quand je dors, je rencontre certaines de ces personnes qui sont nées sous ma plume. Le bonheur que j'éprouve alors est proche de celui qui m'étreint lorsque je rencontre des gens que j'aime particulièrement fort. Ils sont à mi-chemin entre ma famille et d'excellents amis. Je ne peux pas me fâcher avec eux, je ne peux pas être déçue, il n'y a jamais rien de définitif, et il y a toujours de belles surprises.


Ça fait vint-neuf ans que je lutte pour vivre dans le monde réel. Il y a des jours où je me dis que j'abandonnerai la partie. Un jour, je perdrai les clefs de la surface de mon être, et je plongerai dans les tréfonds de mon âme d'imagineuse. Quand plus personne n'aura besoin de moi. Quand je serai seule dans un appartement, dans la nature, dans une maison ou dans ma voiture, selon le mode de vie que j'aurais enfin pu choisir pour moi. Je pourrai me perdre totalement, ne plus jamais revenir de là-bas. Je ne vendrai rien. Je n'exposerai rien. Je ne ferai qu'écrire.


Car il n'y a que quand j'écris que je vis vraiment. Il n'y a que quand j'écris que je suis libre.

 

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27 janvier 2017

Intuitions...

Intuition : n.f. 1. Forme de connaissance immédiate qui ne recourt pas au raisonnement. 2. Sentiment de ce qu'on ne peut vérifier, de ce qui n'est pas encore arrivé. (Définition du Robert poche de 2016).


Il est difficile de nos jours de laisser libre cours à son intuition sans passer pour une ou un illuminé.e. Et quand cela concerne nos propres enfants, c'est encore pire. Pourtant, il y a des intuitions, des savoirs énigmatiques, des gestes parentaux qui ne s'expliquent pas d'un point de vue scientifique, mais qui, chaque année, sauvent des vies, ou du moins en garantissent les soins.


Il y a six ans, nous avons mis au monde un bébé. Oui, je dis « nous ». Cela fait toujours sourire mais cette naissance a vraiment été une action commune, de couple, un investissement familial qui n'a pas été découpé en règles absurdes : papa d'un côté, enfants de l'autre, séjour à la maternité...


Notre fille est née à la maison, par choix. Choix que nous nous félicitons encore aujourd'hui d'avoir fait. Dès sa naissance, alors que ma petite puce pleurait dans mes bras au lieu de se reposer, j'ai eu mon cœur de maman qui s'est serré et une inquiétude sourde s'est logée tout au fond de moi. Il y avait quelque chose de singulier dans les cris de cette enfant qui venait de naître, quelque chose qui n'était pas à sa place. Pourtant, la sage-femme qui l'avait examinée immédiatement après sa naissance m'a rassurée, tout allait bien. C'était un beau bébé de 3kg600, toute rondelette, avec de petits cheveux noirs et des yeux aussi profonds que l'univers. Quelques six jours plus tard, le médecin généraliste qui l'a examinée à son tour m'a également rassurée. Cette enfant allait très bien et tétait si bien que son poids de naissance était largement rattrapé !


Pourtant, la boule d'angoisse qui me serrait le cœur restait là. À cette époque, je n'aurais pu formuler clairement qu'il y avait « quelque chose ». Après tout, c'était peut-être tout simplement un bébé qui mettait un peu de temps pour « atterrir ». Ça arrive parfois.


Les jours se sont donc écoulés ainsi. Elle avait besoin d'une incroyable proximité et passait son temps dans les bras des uns et des autres. Elle semblait totalement désemparée dès qu'elle se trouvait posée quelque part. Elle tétait énormément, elle détestait l'eau, et surtout, elle pleurait, pleurait, pleurait...


Elle pleurait tellement.


Je l'ai portée, allaitée, emmaillotée, promenée, consolée, câjolée...


Elle pleurait.


J'ai cherché des informations sur les BABI, les bébés aux besoins intenses, et j'y reconnaissais beaucoup ma fille. Cela me rassurait. Peut-être que la boule d'angoisse, c'était tout simplement ça. Un bébé un peu « pas comme les autres » qui était arrivé comme une façon de nous sortir un peu de notre zone de confort, de nous remettre en question. N'ayant jamais été effrayés par les défis, nous avons relevé celui-ci.


Les mois sont passés.


À deux mois, elle pleurait toujours autant.


À trois mois, elle pleurait toujours autant.


Son développement, sa préhension, et même sa taille et son poids semblaient, eux, se développer au ralenti. Décembre sonna sans que je ne sache clairement quel drame il apporterait avec lui. Pourtant, la boule ne faisait que prendre de l'ampleur dans mon cœur. Chaque fois que j'amenais ma fille chez le pédiatre, je répétais que « quelque chose » n'allait pas, et chaque fois, on me parlait comme à une idiote incapable de discernement. L'on me répétait que les médecins avaient les compétences nécessaires pour déceler les pathologies, qu'il fallait que je fasse confiance en la médecine et en ceux qui la pratiquent, que mes intuitions n'étaient que le fruit d'une angoisse démesurée à faire traiter par un psy...


Au détour d'un magasin de jouets dans lequel nous faisions nos quelques achats de Noël, nous avons croisé une maman qui avait son bébé dans un cosy. La mienne était portée dans l'écharpe, car il était impossible de la poser, même dans une poussette/landau/cosy. Ce bébé babillait, jouait et ouvrait de grands yeux avides de découvrir le monde. Nous avons échangé au sujet d'un jouet que nous cherchions toutes les deux, la maman et moi, et puis j'ai fini par demander, par curiosité, l'âge de son petit. Il était plus jeune que ma fille. Ma fille qui était dans l'écharpe, les yeux fermés, comme se reposant d'une lutte constante, épuisante, souffrante... Ce jour-là, j'ai su. J'ai su, mais je n'ai jamais été écoutée.


Toutes ces sorties durant lesquelles il fallait la protéger du froid qui la faisait suffoquer, la protéger du vent qui lui coupait la respiration au point qu'elle devenait bleue. Toutes ces fois où elle pleurait sans que nous sachions.


Deux jours avant le drame, nous avons couru à l'hôpital suite à ce que nous pensions être une forte gastro-entérite. Vomissements, diarrhée et « refus » de s'alimenter (je mets « refus » entre guillements car il est évident qu'il ne s'agissait nullement d'une volonté de sa part, mais d'une impossibilité). Nous avons dû forcer un peu pour qu'elle soit admise en chambre. Puis durant deux jours, le ballet des internes, infirmières et de la chef de service n'ont fait qu'amplifier les dégâts déjà causés par le septicisme acharné de la pédiatre qui suivait notre fille. Le diagnostique posé par l'interne : gastro-entérite. Un peu de repos et tout ira bien. Quoi la maman ? Quoi elle nous dit que « quelque chose d'autre » ne va pas ? Elle est médecin la maman ? Non ? Bon, et bien elle se tait et elle écoute ceux qui savent ! Et si elle est bien mignonne, la petite maman, on lui donnera un bonbon !


Il m'est difficile à ce stade de dissimuler l'incroyable colère qui bouillonne encore à l'intérieur de moi. Une colère qui s'est pendant longtemps retournée contre moi. Moi qui n'ai pas su insister ! Moi qui n'ai pas su taper du poing sur la table et leur dire « cette fois, vous allez poser vos putains de diplômes et votre air supérieur, et vous allez m'écouter ! » J'ai appris à accepter avec le temps que j'ai tout fait pour les mettre sur la voie, et que ce sont eux qui devraient souffrir de cette culpabilité lancinante. Pas moi.


Jusqu'à ce mercredi 29 décembre, jusqu'à ce que j'appelle l'infirmière parce que « putain, quelque chose ne va pas, vous ne le voyez pas ?!! », jusqu'à ce que le cœur de ma petite fille cesse soudainement de battre, on a cru que j'étais folle.


Le jour où mon intuition s'est confirmée, c'était trop tard. C'était près de quatre mois trop tard.


Notre fille est morte, et tous ces médecins si compétents n'ont pas su la sauver. Ils n'ont même pas su simplement s'excuser. Ils ont achevé leur besogne en piétinant les derniers instants que nous aurions pu avoir avec elle. Ils l'ont laissée mourir toute seule alors que je leur avais expressément demandé de me prévenir pour que je sois là. Là encore, leurs certitudes comptaient plus que les besoins des êtres humains que nous étions : « mais madame, vous ne vous rendez pas compte comme c'est difficile, nous ne vous avons pas appelée pour vous protéger ». Bordel... Jamais ces gens ne comprendront qu'ils ont détruit la dernière chose que j'aurais voulu partager avec ma fille. Jamais ils ne comprendront que je voulais l'accompagner dans sa mort, comme je l'avais accompagnée dans sa vie. Jamais ils n'ont compris que la douleur des regrets serait au moins aussi lancinante et inéluctable que la souffrance de sa disparition.


Depuis, nous avons tout fait pour nous reconstruire. Ça n'a pas été sans peine. Nous avons décidé que nous ne conduirons pas l'affaire en justice, mais nous avons écrit une longue lettre au CHU pour leur expliquer ce qui n'avait pas marché, le pourquoi de notre colère, et les explications que nous voulions. Nous n'avons jamais eu de réponse.


Parfois, je lis, je vois, j'entends parler d'histoires similaires. De bébés, d'enfants qui ont « quelque chose » et de parents désemparés, qu'on ne veut pas entendre, voir, écouter. Quand ces histoires se terminent bien, je suis violemment tiraillée entre un soulagement incroyable pour cette famille et une souffrance indescriptible pour ma fille.


Aujourd'hui, notre petite fée a deux petites sœurs adorables qui font notre bonheur au quotidien. Et puis, il y a de ça deux ans, nous avons commencé à nous poser des questions sur le développement de notre seconde fille. Nous nous sommes d'abord freinés. Après tout, nous sommes restés très angoissés à cause de ce drame. Mais aujourd'hui, je réalise que nous devons cesser de nous freiner. Et que nous devons taper du poing sur la table. Qu'il vaut mieux vérifier « pour rien » qu'attendre qu'il soit trop tard.


Il est fréquent qu'on nous explique gentiment que lorsqu'un enfant a quelque chose de vraiment grave, les symptômes sont tout le temps présent. Qu'il n'y a pas, comme ce fut le cas avec notre fille, de moments agréables au milieu des moments difficiles. On nous a souvent dit que tant qu'on doute, c'est que ça ne peut pas être vraiment grave, car la gravité de la maladie conduit à un panel de symptômes évidents. On nous a même dit (parfois après la mort de notre fille !!) qu'une maladie cardiaque grave se décèle forcément très tôt, très vite.


La vérité, c'est que la science n'explique pas tout. La vérité, c'est que les symptômes sont patient-dépendants, car nous avons tous notre individualité, nos particularités. La vérité, c'est que, parfois, nous (nous, êtres humains, donc médecins aussi !) devrions faire preuve d'un peu plus d'humilité face à une nature que nous ne maîtrisons pas, que nous ne comprenons pas toujours. J'ai donc cessé de croire que parce qu'il y a des moments où notre fille semble aller très bien, elle n'a pas de problème.


Pourquoi est-ce que j'en reparle aujourd'hui ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi six ans après ? Je réalise qu'il n'y a pas un instant où je me lasse de parler d'elle. De la même manière que j'adore parler de mes autres enfants. Je réalise qu'il n'y a pas de diminution de la douleur, pas d'éloignement de la souffrance. Je réalise que le raconter maintenant ou le lendemain de sa mort, c'est pareil. J'ai juste appris à retenir mes larmes (et encore...). Alors voilà, aujourd'hui j'en parle. Comme hier, comme demain. Parce que ma fille fera toujours partie de mon quotidien. Une petite fille un peu « pas comme les autres » qui est partie à cause d'un « quelque chose » que personne, à part mon intuition viscérale de maman, n'a su voir.


Je veux croire en un avenir où la médecine considérera l'intuition des parents comme un symptôme à part entière. Où les médecins cesseront de balayer d'un revers de main les inquiétudes parentales en s'improvisant psy d'un jour. Où les politiques accepteront de donner plus de moyens aux hôpitaux pour que plus jamais les diagnostiques ne soient bâclés ou minimisés en raison du manque de lits.


Pour que plus jamais un enfant ne subisse la perte de chances* terrible qu'a subi notre fille.

* la notion de « perte de chances » est une notion juridique reconnue en médecine. Elle signifie que bien qu'il soit impossible de garantir la guérison d'un patient qui aurait été traité différemment, on peut néanmoins considérer que telle ou telle action (ou inaction) a conduit à une « perte de chances » de guérison pour ce patient. C'est un fait grave, condamnable et reconnu.

 

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29 décembre 2016

A toi, l'inconnu qui a pleuré avec moi...

24 décembre au soir...

Nous sortons de table après un repas copieux et délicieux. Nous avons un peu bu, les enfants se sont régalés, nous sommes heureux et savourons la délicieuse impatience du réveillon. Demain matin, un par-terre de cadeaux entourera le sapin duement décoré, et les enfants discutent jusqu'au dernier moment de ce qu'ils pourraient avoir, de ce dont ils rêvent tout haut ou tout bas.
Quoi de plus beau que des rêves d'enfants...?

Les petites sont couchées, les grands traînent encore un peu, mais leurs yeux se ferment progressivement. Alors, je prends ma bougie, achetée spécialement pour l'occasion, une petite décoration de Noël, j'embrasse mon mari, et je sors dans le froid pour marcher jusqu'au cimetière, comme tous les ans depuis six ans. Cette marche est rude, elle est longue, elle est froide, solitaire et sombre. Mais je tiens à la faire à pied. C'est ma petite pénitence personnelle pour ne pas avoir su la protéger.

Des ombres s'allongent autour de moi, le vent me murmure des choses que je ne comprends pas, la lune se cache et se dévoile au gré des caprices des nuages et le chemin, non éclairé, est le théâtre de mille fantasmes surnaturels. Je serre mon écharpe autour de mon cou. Je n'ai pas vraiment peur, car je porte en moi la lumière de mon ange magique. Invisible, elle est pourtant souveraine contre les ombres de la nuit.

J'arrive enfin en vue du grand grillage en fer forgé, je suis soulagée. J'ai vaincu les ombres. Le réverbère, au bord de la route, m'assure suffisamment de lumière pour ce que j'ai à faire. Pour dire vrai, j'aime être un peu dissimulée quand je lui rends visite. Cela me permet de laisser aller un peu mes larmes, mes paroles et de libérer pleinement ce besoin que j'ai, envers et contre tout, d'être avec elle.
J'entre.

Comme toujours, sa toute petite tombe me serre le cœur et fait monter un millier de pâles souvenirs d'aube glaciale et désespérée. Il y a six ans, sans que je le sache encore, un véritable cauchemar commençait. Je lui dis bonjour et je m'agenouille quelques instants face à sa croix. Une petite fée en résine me fait face, assise sur son champignon, elle garde la porte de son âme depuis six ans maintenant. Elle est un peu fatiguée, mais j'espère qu'elle résistera encore longtemps. Les petits jouets que nous déposons sur sa tombe à chacun de ses anniversaires sont là également. Les fleurs, quant à elles, sont flétries et noircies par le gel. Qu'importe, tout ceci renaîtra au printemps. L'immortalité de la végétation me donne toujours du baume au cœur.

Puis, je me lève et prends sa petite lanterne. J'y glisse la bougie et l'allume, m'émerveillant comme une enfant du feu qui transperce la nuit. Je la pose pile à l'endroit où la terre fut retournée voilà six ans pour y déposer son petit cercueil et je m'agenouille de nouveau pour profiter de la danse de la flamme se reflétant sur le bois de sa croix, illuminant la plaque dorée portant son nom.
Je pleure.

Invariablement, à chaque Noël, mes larmes sont mon cadeau d'amour pour elle, mouillant la terre du cimetière dans un drôle de silence feutré. Qu'il est dur de pleurer à Noël...

Je n'ai pas envie de partir, et pourtant, je grelotte de froid. J'ai envie de lui envoyer quelque chose à travers le ciel. Quelque chose de fort. J'ai envie de chanter, là, comme ça. Moi qui suis tellement timide ! Mais après tout, personne n'est là pour me voir ou m'entendre. Je me lance. Je lui chante un vieux cantique que j'ai toujours adoré, et qui est resté dans ma mémoire : Les anges de nos campagnes.

Des souvenirs d'enfance, de messe de minuit, de cadeaux au coin du feu, de neige crissant sous les pas, m'envahissent... Tout ce que j'aurais tellement voulu vivre avec elle. Au début, ma voix est toute timide, n'osant pas trop crever le silence de la nuit de Noël. Et si quelqu'un m'entendait ?! Et puis, petit à petit, je me réchauffe et je prends de l'assurance, je chante un peu plus fort et je me sens forte à mon tour, d'être capable de lui envoyer ça à travers les nuages.

Je finis par m'arrêter, quand les sanglots serrent trop ma voix. C'est alors qu'à côté de moi, devant la tombe d'à côté, quelqu'un se met à bouger. Je sursaute de tout mon corps. Je ne t'avais pas vu, dissimulé dans l'ombre du soir, te recueillant sur la tombe d'à côté. Je bégaye un pardon parce que je crois que j'ai même crié un peu en t'apercevant. Il faut dire qu'une rencontre en pleine nuit dans un cimetière, c'est bien singulier ! Tu me dis qu'il n'y a pas de quoi et que tu es désolé de m'avoir fait peur, mais que tu ne voulais pas me déranger pendant que je chantais. S'il n'avait pas fait si noir, tu aurais pu me voir rougir. Comme je n'ose rien dire, tu ajoutes que c'était très joli.

Pourquoi ai-je imaginé que tu m'as dit cela avec un sanglot dans la voix ? Sans doute parce que pour moi, quiconque passe un moment au cimetière le soir de Noël a forcément un sanglot quelque part...

J'ai regardé une dernière fois la flamme réchauffer l'air de la nuit et son prénom qui me faisait des clins d'œil, comme pour me remercier. Je lui ai envoyé un bisou, puis je t'ai lancé un « joyeux Noël quand même ». Curieusement, je n'ai aucun souvenir de ton visage. Je ne suis même pas certaine de l'avoir vu, tant la nuit était noire. « Merci, vous de même », m'as-tu répondu. Et je suis partie.

Durant tout le trajet du retour, j'ai songé à toi. À ce moment où je n'ai pas été seule pour la pleurer. Comme tu le remarqueras, je me suis permis de te tutoyer en racontant cela. Parce que je crois sincèrement que reconnaître la douleur de l'autre, c'est l'intimité la plus absolue entre deux êtres. En cet instant, peu importe que nous nous connaissions ou non, nous avons pleuré ensemble, dans le respect et la douceur, et ça, c'est pas donné à tout le monde.

À toi l'inconnu qui a pleuré avec moi, je voulais te dire merci.

 

21 décembre 2016

Partage... coup de coeur !

Aujourd'hui, j'ai très envie de partager l'article écrit par une super blogueuse sur l'accouchement naturel en France.

Parce que les femmes sont de plus en plus nombreuses à demander une moindre médicalisation durant leur accouchement.

Parce que le bien-naître des bébés participe forcément à leur bien-être.

Parce qu'il est nécessaire de se serrer les coudes pour se faire entendre en tant que femmes, mères, hommes, pères, soignants...

Parce que la révolution viendra de nous.

Bonne lecture ! :D

 

Le pot de crayon
Vouloir accoucher naturellement en France

 

Bisous les gens !

J'vous dirais bien bonnes fêtes, mais ça me saoule vraiment trop. Alors amusez-vous bien et à l'année prochaine !

 

Marie.

18 décembre 2016

Namasté !

En cette fin d'année, il y a bien des choses qui se bousculent dans ma vie, raison pour laquelle j'ai un peu délaissé ce blog et le partage de mes écrits et de mes lectures.

J'aurais bien aimé digresser pendant des heures sur la notion d'indépendance vis-à-vis de nos propres parents. Je me suis envolée de chez moi à l'âge de 16 ans, je croyais vraiment avoir rompu un lien, être devenue adulte... Mais je constate que claquer la porte, ce n'est pas prendre son indépendance, c'est refuser d'affronter les problèmes. On ne devient adulte que quand on les affronte réellement. La trentaine approche, je crois que c'est le moment pour moi de m'y mettre enfin !

J'aurais bien aimé expliquer pourquoi je ne partage plus mes écrits. Pas que j'ai de multiples demandes, mais un lectorat si réduit soit-il reste un lectorat et ça m'embête de ne plus rien avoir à vous proposer. Ce n'est pas que je n'écris plus, mais je crois que j'ai besoin de garder un peu pour moi mes créations, de me recentrer avec ce plaisir premier qui est de vivre des aventures au-delà de mes propres limites factuelles. Je crois que ce que je préfère dans l'écriture, c'est cela. Le partage, c'est comme la cerise sur le gâteau. Celle-ci semble m'apporter de moins en moins à mesure que l'indifférence reprend sa place, alors je préfère limiter la casse.

Du coup, j'ai vraiment, vraiment envie de réfléchir à la notion de talent.

Quand j'étais enfant, ma naïveté me poussait à croire que les gens connus étaient tous d'une rare exception. Je pensais que seuls les plus talentueux accédaient à une certaine notoriété, et j'étais certaine qu'un vrai talent ne pouvait demeurer dans l'ombre.

J'ignore si j'ai moi-même du talent, il est bien trop difficile de juger son propre travail pour le dire. Mais je connais bien des gens qui en ont, et qui pourtant ne sont pas connus. J'ai envie d'avoir une pensée pour eux aujourd'hui.

Mon père, dessinateur de talent, employé de banque durant quarante ans, aujourd'hui à la retraite.

Mon voisin, chanteur et musicien qui inonde notre rue de notes joyeuses l'été, responsable magasin.

Une de mes amies, couturière autodidacte aux splendides créations, hôtesse de caisse.

Et tant de gens d'ici et d'ailleurs que je ne connais pas, ou peu, ou moins. Tant de gens que je croise et que je pense ordinaires, alors qu'ils cachent tous un secret, un joyau, une particularité... Je réalise alors que ce qui a de la valeur dans notre société n'est pas l'essence même des gens, mais leur potentiel de production.

Finalement, ce qui émerge des talents que nous avons tous, ne serait-ce pas ce qui est le plus commercialisable...? Ne serait-ce pas, pour beaucoup, une question de chance ?

Aujourd'hui, je veux rendre hommage au talent que l'on cache tous à l'intérieur de nous. A ce talent qu'on étouffe pour ne laisser voir que la partie "socialement acceptable et économiquement productive" de nos êtres. Je voudrais vous dire que chaque âme est unique et que chaque âme a quelque chose à apporter à ce monde. J'ai envie de dire qu'on devrait plus s'écouter et s'autoriser à explorer nos potentiels créatifs. Et on devrait tous poser deux minutes notre routine pour regarder vraiment les gens qui nous entourent et qui, parfois, nous montrent au quotidien des choses que l'on balaie car apparemment moins importantes que la fiche de paie ou le loyer, mais qui, pourtant, sont l'essence même de notre humanité.

J'ai une pensée pour tous ces autodidactes qui ont tout appris sur le tas, qui se sont auto-formés parce que personne n'avait confiance en eux, qui se sont battus pour être reconnus, ou qui au contraire, ont pratiqué leur art dans l'anonymat juste pour le plaisir de changer un peu le monde en transmettant une paix intérieure à leurs enfants ou leurs proches.

En cette fin d'année, toujours si douloureuse pour moi, pour nous, j'ai envie de voir la lumière intérieure des gens qui m'entourent, car c'est cette lumière qui nourrit mon être et que je nourris à mon tour.

 

Namasté !

 

Marie.

 

Ci-dessous, l'un des dessins de mon père, représentant Notre-Dame de Paris.

DESSIN PAPA

1 novembre 2016

Toussaint...

Prise dans le tourbillon de la vie, j'en oublie parfois ta mort. Je te cherche en vain dans un destin qui t'a oubliée sur le bord du chemin. Je me souviens de ta vie si fort, si fort que je crois pouvoir repousser ta mort. Alors, j'ouvre les yeux et je me rends compte qu'il n'y a plus rien que des souvenirs. Tu meurs à nouveau. C'est si violent. Si violent parce que tellement incompréhensible. Que je puisse encore vouloir si fort un dernier câlin avec toi six ans après ton trépas... Que je puisse vouloir si fort une dernière tétée, un dernier bisou, une dernière chance de pouvoir simplement te dire au revoir. Ou peut-être réussir à te garder pour moi et à te dérober à cette putain de maladie.


Il y a des bougies qui brillent, mais ne t'y méprends pas, ce n'est pas le feu qui les anime, non, c'est ton âme qui les guide. Elles brillent plus fort que tout parce que tu avais l'âme pure de l'ange immaculé. Tu étais un espoir, un avenir, une vie en devenir. Tu es morte comme un bouton de fleur emporté dans un pâle matin de printemps malmené par un hiver tenace. Tu es morte avant qu'on ne puisse admirer ta fleur, avant que tu puisses seulement t'épanouir au monde.


Je n'ai pas le temps de m'arrêter, la vie m'emporte comme une rivière furieuse, slalomant entre les roches abruptes du malheur et de la douleur. J'ai fait le choix de croire en elle. D'avoir confiance. Alors qu'elle m'a si cruellement trahie. D'où peut me venir cette flamme si ce n'est de toi ? Comme autrefois, la vie m'a attrapée par la main et m'a murmuré « Non, tu ne mourras pas encore ». J'ai pleuré ce chemin-là, puis j'ai souris devant le visage de deux enfants qui m'ont été offertes comme des roses en hiver. Elles ont percé la neige de mon âme meurtrie et ont rassemblé à elles deux les morceaux de notre famille violentée.


Il pèse sur elles un poids qui nous dépasse tous, mais qui peut se transformer en un lien indestructible. Je m'emploie à les aimer aussi fort que je t'ai pleurée. Je m'emploie à rassembler ma famille autour d'une vie que nous chérissons. Sur un chemin de Confiance en un avenir guidé par une étoile inextinguible. Car tu es là. Et nous le savons tous.


Parfois, je croise ces gens qui observent ta tombe d'un oeil réprobateur. Non ensevelie sous un marbre froid et lourd duquel ta petite âme serait prisonnière. Tu es libre de parcourir la terre. Ta tombe est vivante comme le sont les saisons qui la survolent. J'ai envie de leur dire que je n'ai pas le temps. Je dois vivre, je te l'ai promis. Quand la vie me laissera un peu de répit, je m'occuperai peut-être un peu de la mort. Mais pour l'heure, c'est toi qui vis à travers moi, à travers nous. A travers ta soeur qui veut sentir les fleurs, à travers tes frères qui discutent jeux vidéo, à travers ton père qui souffre dans son éternel silence, à travers moi qui allume les flammes de ton âme. A travers nous tous qui portons ton souvenir et parlons de ta vie pour que personne ne l'oublie. Qui prononçons ton prénom comme une légende à laquelle on veut croire. Marie...


Pardon, je n'ai pas le temps de m'occuper de la mort quand je suis si bien appelée par la vie.

 

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Comme une envie d'écrire...
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